PROCEDURES COLLECTIVES – Loi de modernisation de la justice du XXIème siècle et procédures collectives, par Me Guillaume BROUILLET
De nouvelles modifications aux dernières modifications … mais quand s’arrêteront ils ?!
Loi 2016-1547 du 18.11.2016.
2005, 2008, 2010, 2014, 2016 …. les réformes pour tenter de préserver l’activité, l’emploi et anticiper les difficultés des entreprises et plus généralement pour prendre en charge les défaillances se sont accélérées depuis 10 ans à un rythme effréné et un nouveau texte nous est promis en 2017 pour « ajuster le droit interne des procédures collectives au droit européen de l’insolvabilité ».
Une véritable frénésie législative mais pour quel résultat ? Difficile à dire .
Y a-t-il davantage de conciliation entreprise/créanciers permettant de résoudre amiablement et confidentiellement les difficultés ? Si l’on peut comptabiliser les demandes sur le territoire national, l’on sait que le chiffre définitif est par définition confidentiel selon que l’accord est constaté, homologué ou non. Le recours à la prévention reste en tout état de cause très délicat pour le chef d’entreprise tant les conditions au succès d’une telle démarche sont nombreuses et variables selon les cas, indépendamment des textes qui font vivre la matière.
Cette voie de la prévention et de la conciliation est certes à privilégier autant que possible sachant que le succès repose notamment et avant les textes sur les capacités de l’entreprise à retrouver ou à conserver la confiance de ses principaux créanciers.
Y -t-il moins de liquidation depuis 2008 ? Une embellie sur le front depuis le 3ème trimestre 2016 seulement (source ALTARES -12 % de défaillances confondues / 2015 et point bas depuis 2008 – 40.000 emplois directs concernés par les défaillances sur le trimestre). L’on peut être affirmatif sans trop de prétention en indiquant que cette baisse est sans rapport aucun avec les textes concernant les procédures collectives. L’on peut davantage évoquer une forme de reprise économique ténue certes mais réelle sur le terrain grâce à la construction notamment.
Les dossiers de liquidation impécunieux seront sans doute moins nombreux à l’avenir, officiellement. L’on sait en effet que la procédure de rétablissement professionnel (ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014) a permis de faire sortir des radars de la liquidation et donc de la publicité qui l’accompagne les dossiers vides d’actif (moins de 5.000 €…). Un intérêt très limité de cette procédure qui fausse les statistiques.
Davantage de plan de redressement ou de sauvegarde homologués ? Sans doute selon la même source.
Mais qui peut dire aujourd’hui que les plans iront à terme ? Les textes ne sont pas là pour favoriser l’activité mais pour encadrer les difficultés. Ce n’est pas la solution à la crise économique : c’est un mal nécessaire pour éviter la déconfiture totale qui évidemment serait pire que tout.
Ainsi difficile d’y voir clair dans l’utilité réelle et mesurable de ces réformes successives ce d’autant que chaque texte trouve à s’appliquer selon la date d’entrée en vigueur de la loi et la date d’ouverture de la procédure. La simplicité est une vertu et en l’occurrence, l’inflation de textes nous en éloigne.
En outre; le millefeuille législatif ne peut pas être digéré de façon uniforme par l’ensemble des tribunaux de commerce ou de grande instance de France et de Navarre et il faudra sans doute attendre les décisions de la Cour de Cassation – encore et toujours – pour avoir la réponse sur telle ou telle incertitude juridique avec les délais qui l’accompagnent … (3 ans au mieux).
En tous cas, les professionnels du droit et du chiffre ne manquent pas d’outils ni d’incitation pour tenter de sauver les entreprises et les emplois.
Passage en revue des principales modifications issues de la loi du 18.11.2016 pour les procédures ouvertes à partir du 20 novembre 2016 (liste non exhaustive) :
- Le dispositif d’alerte du commissaire aux comptes est renforcé au nom de la volonté de détection précoce des difficultés des entreprises : le commissaire aux comptes d’une société commerciale peut demander à être entendu par le président du tribunal si les réponses apportées par le dirigeant à ses interrogations quant à la continuité de l’activité ne lui semblent pas satisfaisantes (L 234-1 code commerce) et ce droit n’est pas subordonné à la convocation préalable du dirigeant…
- Le comité d’entreprise ou le délégué du personnel devra être informé de la signature d’un accord de conciliation dont l’homologation est sollicitée pour pouvoir donner son avis à l’audience (L 611-8 du code de commerce) à peine de délit d’entrave
- Le demandeur à la sauvegarde sera invité par le tribunal à présenter une demande de conciliation préalable.
- Le privilège de conciliation accordé aux créanciers qui renforcent leurs engagements en conciliation est étendu aux procédures de règlement amiable judiciaire c’est à dire la conciliation propre aux agriculteurs (article L 351-6 du Code Rural)
- Les producteurs agricoles reçoivent un nouveau privilège : leurs créances nées quatre vingt dix jours avant l’ouverture de la procédure de sauvegarde, redressement ou liquidation seront payées nonobstant l’existence de toute autre créance privilégiée à l’exception de celles garantie par le privilège des salariés ou façonniers (art 2332-4 du code civil). Pour peu que le débiteur ne soit pas totalement impécunieux naturellement puisqu’il ne s’agit que d’un privilège de rang et non d’une assurance….
Me Guillaume BROUILLET
Spécialiste en droit commercial, des affaires et de la concurrence