Défendre l’entreprise victime d’infractions pénales, par Me Maxime TESSIER
Article publié dans 7JOURS le 05/04/2023
Par Maître Maxime TESSIER, avocat associé, spécialiste en droit pénal (pôle de droit pénal)
Dégradations, vols, violences, cyberattaques, abus de bien sociaux, escroqueries, diffamations… : voici quelques-unes des infractions pénales auxquelles les entreprises peuvent être confrontées en tant que cibles et donc comme victimes. Sur la période 2017-2018, 71% des entreprises auraient déclaré avoir été les victimes d’une infraction pénale*. Si de tels risques peuvent se réaliser, aucune fatalité n’est de mise : l’entreprise peut évidemment reprendre le contrôle à la fois en les anticipant, et au besoin en contre-attaquant.
1. Anticiper le risque pénal de l’entreprise pour qu’elle ne devienne pas une victime
Anticiper le risque pénal est fondamental pour les dirigeants. Les enjeux dépassent de loin la seule question juridique, et peuvent impacter l’entreprise à la fois en termes économiques, financiers, et affecter son image et sa réputation, pour ne citer que ces exemples.
Les sources de risque sont multiples et les connaitre ne peut que contribuer à protéger l’entreprise, car les « prédateurs » ne se trouvent pas toujours à l’extérieur et la liste des infractions n’est pas exhaustive :
L’entreprise peut être victime de ses dirigeants, que ce soit à cause d’abus de biens sociaux ou d’abus de confiance. Elle peut spécifiquement être victime de banqueroute lorsque le dirigeant profite de l’état de cessation des paiements pour agir contre l’entreprise.
L’entreprise peut être victime aussi de ses propres associés ou salariés, qui peuvent non seulement les voler ou commettre un abus de confiance, en détournant du matériel ou surtout de précieuses informations ou données internes telles qu’une invention et même un fichier clients (ou CRM). Des escroqueries peuvent aussi être commises par des salariés en créant de faux contrats et de faux échanges d’emails afin d’obtenir une rémunération sous forme de prime au résultat, etc.
Et enfin, l’entreprise peut évidemment être victime de tiers, via des vols, des dégradations, des cyberattaques, des escroqueries par exemple par de faux ordres de virement (appelées « fraudes au président ») dont on sait qu’elles ont déjà pu atteindre des niveaux de préjudices catastrophiques. Par ailleurs, la réputation de l’entreprise peut aussi être gravement attaquée par un moyen aussi simple que l’avis publié sur Google, lequel constitue parfois le délit de diffamation ou d’injure, ces infractions nécessitant d’agir en urgence compte tenu du délai de prescription qui n’est que de 3 mois.
2. Contre-attaquer et reprendre le contrôle sur le risque pénal pour que l’entreprise ne reste pas une victime
L’entreprise victime d’une infraction, comme n’importe quelle autre victime, a la possibilité d’agir sur un plan pénal afin de faire cesser l’attaque portée contre elle et d’obtenir la réparation de son préjudice.
L’action au pénal présente l’avantage, lorsqu’elle parvient à son terme, d’obtenir qu’une peine soit prononcée contre l’auteur de l’infraction, par exemple : de l’emprisonnement, une amende, et aussi des peines complémentaires comme l’interdiction de fréquenter le lieu où se sont déroulés les faits, l’affichage ou la publication de la décision, l’interdiction d’exercer l’activité professionnelle ayant permis de commettre les faits, la confiscation de l’instrument ou du produit de l’infraction…
Agir au pénal pour l’entreprise n’est cependant pas une fin en soi et doit lui permettre d’atteindre des objectifs. Elle peut ainsi procéder selon les étapes suivantes :
Analyser la situation, estimer le préjudice, savoir quelles sont ses chances d’obtenir la condamnation d’une personne au titre d’une infraction pénale.
La plainte, qui peut être soit déposée par le dirigeant ou son représentant auprès d’un service de police ou de gendarmerie – lequel ne peut légalement jamais la refuser, mais est au contraire tenu de la recevoir conformément à l’article 15-3 du code de procédure pénale – soit adressée par courrier par l’entreprise ou par son avocat directement auprès du procureur de la République. Il arrive que la perspective d’un dépôt de plainte bien étayé et documenté puisse faciliter une négociation et agir comme une arme de dissuasion à la disposition de l’entreprise.
Se faire assister au cours d’une enquête ou d’une instruction, le cas échéant avec l’assistance de son avocat, afin d’être renseignée sur les suites de la procédure et de s’assurer que tous les actes nécessaires à la manifestation de la vérité soient réalisés.
Se faire représenter ou assister lors de la phase de jugement, en ayant accès au dossier et en chiffrant son préjudice définitivement, et en argumentant par écrit et en plaidant afin que l’auteur de l’infraction soit déclaré coupable et condamné à l’indemniser.
3. L’avocat pénaliste, partenaire du dirigeant de l’entreprise
Le rôle de l’avocat pénaliste auprès du dirigeant est capital et permet d’assurer la défense de l’entreprise et de contre-attaquer efficacement.
Trop souvent encore, le dirigeant est pris de court et la préparation de la défense est tardive, alors qu’elle est indispensable dans le cadre de la stratégie de prévention de son risque pénal.
Le dirigeant a tout intérêt à ce que son avocat pénaliste intervienne aux côtés des conseils habituels de l’entreprise (avocat en droit des affaires, avocat en droit du travail, expert-comptable) afin d’appréhender la situation de façon globale et ainsi cerner ses enjeux sur le plan pénal.
Le droit pénal fait partie intégrante de la vie du dirigeant et de l’entreprise. Identifier les risques pénaux est une nécessité pour le dirigeant. Le maîtriser concrètement est indispensable pour la vie de l’entreprise.
*cf. D. Marais, La gestion du risque pénal et de la conformité à 360°, de l’audit à l’audience, L’Harmattan, 2022, p .11