AGRICULTEURS ET ENTREPRISES EN DIFFICULTE, POUR PROTEGER LES CAUTIONS, ANTICIPEZ !
La Cour d’Appel d’ANGERS dans un arrêt du 26 avril 2016 déclare la banque irrecevable à agir contre la caution
La procédure de sauvegarde est encore et malheureusement largement méconnue dans nos campagnes… mais également à la ville.
Cette procédure est ouverte sur demande d’un débiteur qui, sans être en état de cessation des paiements, justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter.
Elle est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif.
Elle donne lieu à un plan arrêté par jugement à l’issue d’une période d’observation.
Les coobligés (les co-emprunteurs) et les personnes ayant consenti une sureté personnelle (les cautions) ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie (hypothèque) peuvent s’en prévaloir.
Par un arrêt attendu de la COUR D’APPEL d’ANGERS du 26 avril 2016, la COUR D’APPEL rejette la demande de la banque à l’encontre des cautions.
Elle retient que « l’obtention d’un titre de condamnation à paiement contre la caution, dont l’engagement revêt un caractère accessoire, implique que la créance dont la condamnation à paiement est sollicitée, soit exigible et impayée par le débiteur principal »
En l’espèce, une banque avait consenti courant 2004 à un GAEC trois prêts, l’un des gérants du GAEC et son père s’étant portés cautions solidaires desdits prêts.
Courant 2010, le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de LAVAL avait ouvert une procédure de sauvegarde à l’égard de l’EARL venant aux droits du GAEC, un plan de sauvegarde ayant pu être établi, lequel était parfaitement respecté par l’EARL.
Pour autant, la banque a assigné les cautions afin d’obtenir un titre exécutoire, c’est-à-dire une décision de condamnation à l’encontre des cautions alors même que le plan de sauvegarde était parfaitement respecté par l’EARL.
La banque ne remettait pas en cause le fait qu’elle ne pourrait pas poursuivre les cautions en paiement tant que le plan de sauvegarde serait respecté, et ce en vertu des dispositions protectrices de l’article 626-11 du code de commerce.
Elle faisait cependant valoir que ces dispositions ne l’empêchaient pas de solliciter un titre dont elle ne pourrait faire usage en cas de défaillance du débiteur principal.
La COUR d’APPEL d’ANGERS confirmant le jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de LAVAL retient que l’obtention d’un titre de condamnation à paiement contre la caution, dont l’engagement revêt un caractère accessoire, implique que la créance dont la condamnation à paiement est sollicitée soit exigible et impayée par le débiteur principal.
Elle retient qu’au jour de la déclaration à la procédure collective, la créance de la banque était intégralement à échoir, de sorte que les poursuites de la banque tendaient à obtenir une condamnation des cautions au paiement de créances non exigibles ni impayées.
La banque ne justifiait donc pas d’un intérêt né et actuel à agir.
LA COUR D’APPEL DECLARE PAR CONSEQUENT LA BANQUE IRRECEVABLE EN SON ACTION.
Elle est condamnée à payer aux cautions indument poursuivies une indemnité pour les frais d’Avocat qu’elles ont dû engager pour faire valoir leurs droits.
Cet arrêt vient nuancer, voire contredire, celui prononcé le 8 septembre 2015 par la même COUR D’APPEL d’ANGERS qui, au contraire, avait retenu que « le jugement qui arrête le plan de sauvegarde ne constitue pas un obstacle à l’action du créancier à l’égard des personnes ayant consenti un cautionnement ou une garantie autonome afin d’obtenir un titre exécutoire, dont l’exécution ne peut être poursuivie tant que le plan de sauvegarde est respecté » (la COUR D’APPEL ayant prononcé cette décision en citant l’arrêt de la Chambre Commerciale de la COUR DE CASSATION du 2 juin 2015 n° de pourvoi 15-10.673).
La COUR ajoutait que ce droit du créancier d’agir pour obtenir un titre exécutoire à l’encontre de la caution ne devait pas être réservé aux seuls créanciers ayant préalablement pris une mesure conservatoire à l’égard de cette dernière, comme semblait l’avoir retenu précédemment la COUR DE CASSATION.
Ce nouvel arrêt de la COUR D’APPEL d’ANGERS du 26 avril 2016 nuance fortement son précédent arrêt, dès lors qu’à la date du jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde, la créance du débiteur principal n’était pas exigible de sorte que la banque était irrecevable à agir contre les cautions.
Cette décision est une nouvelle illustration de la nécessité des agriculteurs et de tout chef d’entreprise de ne pas attendre les poursuites de la banque pour bénéficier des dispositions protectrices de la loi pour les exploitations en difficulté.
Me Myriam GOBBÉ
Spécialiste en droit rural
Me Myriam GOBBÉ, spécialiste en droit rural et Me Guillaume BROUILLET, spécialiste en droit commercial et en procédures collectives, sont à votre disposition pour étudier votre situation et répondre à vos questions.